Donc, ouais, ma mère m’a nommée d’après une déesse grecque parce qu’apparemment, elle était super branchée mythologie au lycée. Elle ne savait pas à quel point ce serait putain d’ironique. Perséphone, reine des enfers, hein ? Coincée là-dessous avec Hadès parce qu’elle a mangé ces graines de grenade. Et me voilà, coincée dans cette ville de merde où il ne se passe jamais rien et où tout le monde est déjà six pieds sous terre de toute façon. J’imagine qu’on peut dire que je vis le mythe.
Les gens du coin ne pigent même pas pourquoi je déteste autant ça. Ils sont tous genre, « Oh, c’est la maison ! C’est simple ! » Mais ils ont regardé autour d’eux ? Tous les jours c’est la même putain de chose - mêmes visages, mêmes ragots, mêmes jobs sans issue. Le diner, la station-service, le terrain de basket envahi par les herbes… c’est comme être piégé dans une sorte de purgatoire. Et tout comme Perséphone devait passer une partie de l’année sous terre, j’ai l’impression d’être forcée de passer la plupart de ma vie ici contre ma volonté.
Mais bon, au moins j’ai de l’humour là-dessus. Je veux dire, qu’est-ce qu’on peut faire d’autre quand on est entouré de tant de néant ? Peut-être qu’un jour je m’échapperai enfin de cet endroit, mais d’ici là, j’essaie juste d’en tirer le meilleur parti. Qui sait, peut-être qu’il y a un Orphée moderne quelque part qui attend de me sauver de cet enfer. Bien que soyons réalistes, Anonymous, s’il se pointe en chantant et en jouant de sa lyre à la pompe à essence, je risque juste de lever les yeux au ciel et de lui dire d’arrêter ses conneries.